Si vous avez déjà demandé plusieurs devis pour des panneaux solaires, vous avez peut‑être connu cette petite sueur froide en découvrant une ligne un peu obscure : « TVA 20 % », ou parfois « TVA réduite 10 % ». Pourquoi certains projets bénéficient-ils d’un taux plus bas ? Comment savoir si vous êtes éligible à une TVA réduite sur votre installation photovoltaïque ? Et surtout, peut-on optimiser légalement la facture finale grâce à la fiscalité ?
C’est exactement ce que nous allons décortiquer ensemble : les taux de TVA applicables au photovoltaïque en France, les conditions précises pour en bénéficier, et les marges de manœuvre possibles pour optimiser le coût de votre projet solaire.
Les différents taux de TVA applicables au photovoltaïque
En France, trois grandes familles de taux de TVA coexistent dans le bâtiment :
- le taux normal de 20 % ;
- le taux réduit de 10 % pour certains travaux sur logements de plus de 2 ans ;
- le taux super réduit de 5,5 % pour les travaux de rénovation énergétique… mais très rarement pour le photovoltaïque.
Pour les panneaux solaires photovoltaïques, les règles sont assez claires :
- TVA à 10 % sur la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques si :
- votre logement a plus de 2 ans ;
- il s’agit d’un local à usage d’habitation (résidence principale ou secondaire, logement locatif) ;
- la puissance de l’installation est inférieure ou égale à 3 kWc ;
- l’installation est intégrée ou fixée au bâti (toiture, façade, ombrière attenante…).
- TVA à 20 % dans tous les autres cas :
- installation de puissance supérieure à 3 kWc ;
- batiments non résidentiels (hangar agricole, entreprise, bâtiment tertiaire…) ;
- logement de moins de 2 ans (construction neuve) ;
- fourniture de matériel seul (sans pose par un pro).
Le taux de 5,5 %, lui, concerne principalement les travaux de rénovation énergétique type isolation, pompe à chaleur, chaudière à condensation… et les panneaux solaires thermiques (pour produire de l’eau chaude), mais pas les panneaux photovoltaïques classiques qui produisent de l’électricité.
C’est souvent là que la confusion naît : « Mes panneaux font des économies d’énergie, donc j’ai droit au 5,5 % ? » Malheureusement, non. Le législateur fait une distinction nette entre la chaleur et l’électricité.
TVA à 10 % sur le photovoltaïque : les conditions à remplir
Dans la grande majorité des projets résidentiels aboutissant à une TVA réduite, on retrouve une même configuration : une maison individuelle équipée de 3 kWc pour de l’autoconsommation avec revente de surplus. C’est d’ailleurs ce que j’ai vu récemment chez un couple en Dordogne, qui a pu faire baisser de près de 1 500 € sa facture globale grâce au taux à 10 % au lieu de 20 %.
Pour savoir si vous pouvez bénéficier de ce régime avantageux, cochez les cases suivantes :
- Logement achevé depuis plus de 2 ans : maison ou appartement, résidence principale ou secondaire, à condition qu’il s’agisse d’un local d’habitation.
- Puissance ≤ 3 kWc : au-delà, vous basculez automatiquement à 20 % sur toute l’installation, et pas seulement sur la puissance excédentaire.
- Travaux réalisés et facturés par un professionnel : pas de TVA réduite sur l’achat de matériel seul sur internet, même si vous faites ensuite poser par un artisan.
- Installation solidaire du bâti : toiture, couverture, façade, carport accolé à la maison, etc. Une structure posée au fond du jardin peut parfois être admise si elle est clairement associée au logement, mais cela se discute au cas par cas.
Dans ce cadre, la TVA à 10 % s’applique sur :
- les panneaux ;
- les onduleurs ou micro-onduleurs ;
- la structure de fixation ;
- le câblage et les protections électriques ;
- la main d’œuvre de pose.
L’installateur vous fera généralement signer une attestation de TVA réduite (document Cerfa) confirmant que votre logement a plus de 2 ans et répond aux critères. C’est cette attestation qui le couvre en cas de contrôle fiscal.
Dans quels cas la TVA à 20 % s’applique automatiquement ?
Passons maintenant aux situations où la TVA standard à 20 % est la règle. Elles sont plus nombreuses qu’on ne le croit.
- Puissance supérieure à 3 kWc : c’est probablement le cas le plus fréquent. Un projet à 6, 9 ou 12 kWc sur une grande toiture passe directement en TVA 20 %. Et cela, même si vous êtes un simple particulier et que l’installation est sur votre résidence principale.
- Construction neuve : pour une maison de moins de 2 ans, l’installation photovoltaïque est considérée comme un élément du neuf. Elle se voit donc appliquer le taux normal, sauf dispositifs spécifiques du promoteur ou du constructeur.
- Bâtiments professionnels ou agricoles : hangar, local commercial, bâtiment agricole… Ici, on ne parle plus de logement d’habitation. C’est donc 20 % par défaut.
- Achat de matériel seul : si vous achetez vos panneaux « en kit » sur une boutique en ligne pour une autoinstallation, vous payerez 20 % sur le matériel (et éventuellement 10 % sur une partie de la main-d’œuvre si vous faites intervenir un pro pour une partie des travaux, mais l’économie sera souvent marginale).
- Installations au sol éloignées du bâti : champ photovoltaïque dans un terrain, grande ombrière de parking non rattachée à la maison… L’administration considère ces structures comme distinctes du logement, et la TVA à 20 % s’applique généralement.
C’est souvent là que certains projets « basculent ». On part sur une idée de 3 kWc pour rester à 10 %, puis on ajoute quelques panneaux « au cas où », et hop, toute l’installation passe à 20 %. D’où l’intérêt de bien réfléchir au dimensionnement en amont.
TVA et vente d’électricité : faut-il facturer la TVA à EDF OA ?
Autre aspect souvent mal compris : la TVA sur la vente de l’électricité. Il s’agit d’un sujet différent de la TVA sur les travaux, mais les deux se côtoient dans un même projet.
En tant que particulier qui revend une partie ou la totalité de son électricité, vous pouvez être dans l’une de ces situations :
- Installation ≤ 3 kWc et ≤ 2 points de raccordement, rattachée à votre habitation personnelle, sans activité professionnelle liée :
- vous êtes en général dans le régime de la franchise en base de TVA ;
- vous ne facturez pas de TVA sur l’électricité revendue à EDF OA ou autre acheteur ;
- vous n’avez donc pas de déclaration de TVA à faire pour cette activité.
- Installation de puissance plus importante (autoconsommation totale ou vente totale) ou projet clairement professionnel :
- vous pouvez être considéré comme assujetti à la TVA ;
- vous facturez alors la TVA sur l’électricité vendue ;
- en contrepartie, vous pouvez récupérer la TVA sur votre investissement (panneaux, onduleurs, structure, etc.).
Certaine exploitations agricoles, par exemple, font ce choix : elles construisent un grand hangar photovoltaïque, récupèrent la TVA sur un investissement de plusieurs dizaines ou centaines de milliers d’euros, puis reversent ensuite la TVA collectée sur la vente d’électricité.
À l’échelle d’un particulier avec 3 kWc en toiture, le jeu n’en vaut en général pas la chandelle. Mieux vaut rester sur un schéma simple, sans TVA à gérer, avec un revenu imposé en micro-BIC et c’est tout.
Peut-on optimiser sa TVA en dimensionnant bien son projet ?
Passons maintenant à la partie qui intéresse tout le monde : comment optimiser légalement la facture TVA de votre projet photovoltaïque ?
Premier levier, et de loin le plus puissant pour un particulier : rester à 3 kWc ou moins lorsque c’est pertinent.
Illustrons avec un cas très concret vu en Ardèche chez un lecteur du blog qui m’a fait parvenir ses devis.
- Devis 1 : 3 kWc, TVA à 10 %, coût total 9 500 € TTC.
- Devis 2 : 4,5 kWc, TVA à 20 %, coût total 13 800 € TTC.
En ramenant le prix par kilowatt-crête, le 4,5 kWc était plus compétitif… mais l’impact du passage de 10 % à 20 % de TVA annulait une partie de l’intérêt économique pour ce foyer, dont la consommation annuelle n’excédait pas 4 000 kWh. À la fin, 3 kWc bien dimensionnés suffisaient largement à couvrir une grosse part de leurs besoins, tout en gardant un investissement plus raisonnable.
Autrement dit, la TVA peut devenir un critère de dimensionnement parmi d’autres :
- si vos besoins sont modestes (petite maison bien isolée, pas de chauffage électrique, pas de véhicule électrique), rester à 3 kWc peut avoir beaucoup de sens ;
- si vous avez une forte consommation (pompe à chaleur, gros foyer, voiture électrique), dépasser 3 kWc et payer 20 % peut rester pertinent, car le gain sur votre facture d’électricité sera à la hauteur.
L’important est de ne pas laisser le taux de TVA dicter entièrement le projet. Il doit entrer dans l’équation économique globale, au même titre que le taux d’autoconsommation, le prix de rachat, le coût au kWc, etc.
Autres pistes d’optimisation légales autour de la TVA
Au-delà du fameux seuil des 3 kWc, il existe quelques réflexes utiles pour limiter la TVA payée, sans chercher des montages hasardeux.
- Confier la fourniture et la pose au même professionnel :
- la TVA réduite à 10 % ne s’applique que si l’entreprise fournit le matériel et réalise la pose ;
- si vous achetez vous‑même les panneaux (20 %) puis faites faire la pose (10 %), vous perdez l’avantage sur la partie matériel.
- Éviter de « découper artificiellement » un projet :
- certains sont tentés de faire 3 kWc aujourd’hui et 3 kWc dans deux ans, pour rester officiellement sous le seuil à chaque fois ;
- en pratique, l’administration peut considérer l’ensemble comme un projet unique si la stratégie est trop évidente.
- Réfléchir au mix photovoltaïque / solaire thermique :
- pour l’eau chaude sanitaire, le solaire thermique bénéficie lui du taux à 5,5 % ;
- dans certaines configurations (grande famille, eau chaude très sollicitée), un mix PV + solaire thermique peut être intéressant fiscalement et techniquement.
- Vérifier la cohérence des devis :
- il arrive encore de voir des devis en 20 % pour des installations résidentielle ≤ 3 kWc dans un logement ancien : l’installateur applique par défaut le taux normal ;
- dans ce cas, n’hésitez pas à questionner le professionnel, attestation de TVA à l’appui.
Dernier point : méfiez-vous des « astuces fiscales » trop belles pour être vraies. Si un commercial vous promet des tours de passe-passe pour faire passer un 9 kWc en TVA 10 %, c’est généralement qu’il joue avec les limites… et que vous prenez le risque de devoir rembourser l’écart en cas de contrôle.
TVA et aides financières : comment tout s’articule ?
La TVA n’est qu’une pièce du puzzle financier d’un projet solaire. Elle se combine avec d’autres dispositifs :
- La prime à l’autoconsommation (versée sur 5 ans) pour les installations en autoconsommation avec vente de surplus ;
- Le tarif d’achat garanti pour l’électricité revendue ;
- Éventuellement, des aides locales (région, département, commune, intercommunalité)… mais de plus en plus rares pour le photovoltaïque résidentiel.
Ces aides s’entendent en général hors TVA sur les montants de travaux. La TVA reste donc intégralement à votre charge, ce qui renforce l’impact du passage de 20 % à 10 % sur le budget global.
Un petit rappel pratique : la TVA n’est jamais appliquée sur les montants de prime ou de tarif d’achat que vous percevez. C’est de la fiscalité sur l’investissement, pas sur les revenus (pour ces derniers, on parle plutôt d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux).
Exemple chiffré : l’impact de la TVA sur un projet type
Pour bien visualiser l’enjeu, prenons un exemple simplifié.
Imaginons que le coût « hors taxe » (HT) d’une installation soit de 8 000 € pour 3 kWc. Comparons avec une autre installation à 6 kWc à 13 000 € HT.
- Scénario 1 : 3 kWc, TVA 10 %
- Montant HT : 8 000 €
- TVA (10 %) : 800 €
- Montant TTC : 8 800 €
- Scénario 2 : 6 kWc, TVA 20 %
- Montant HT : 13 000 €
- TVA (20 %) : 2 600 €
- Montant TTC : 15 600 €
La différence brute de TVA entre les deux projets est de 1 800 €. Ce n’est pas négligeable, mais ce n’est pas non plus le facteur unique de décision. La vraie question est : la production supplémentaire des 3 kWc additionnels vous fera‑t‑elle économiser suffisamment sur la facture d’électricité pour justifier ces 6 800 € de différence TTC ?
Pour certains foyers, la réponse est oui, surtout si une voiture électrique ou un gros chauffage électrique est en jeu. Pour d’autres, mieux vaut rester sur 3 kWc bien calibrés avec une TVA allégée.
Comment s’assurer de bénéficier du bon taux pour votre projet ?
Sur le terrain, la meilleure approche pour ne pas se tromper de TVA est à la fois simple et pragmatique.
- Vérifier l’âge et l’usage du bâtiment :
- logement d’habitation de plus de 2 ans ? C’est la condition de base pour espérer le 10 % ;
- construction neuve ou logement assimilé ? Vous pouvez oublier la TVA réduite sur le photovoltaïque.
- Connaître précisément la puissance visée :
- demandez clairement au conseiller : « Votre devis est-il à 3 kWc ou plus ? » ;
- assurez-vous que la puissance indiquée sur le devis est bien celle déclarée pour le raccordement.
- Demander noir sur blanc le taux de TVA dans les devis :
- le devis doit mentionner distinctement la TVA appliquée (10 % ou 20 %) ;
- en cas de doute, faites préciser au commercial sur quel article de loi ou quelle condition il se base.
- Signer l’attestation de TVA réduite seulement si les conditions sont réunies :
- ne cédez pas à la tentation de « arranger » la réalité pour gratter quelques pourcents ;
- en cas de contrôle, c’est le client comme le professionnel qui peuvent être inquiétés.
Quand j’accompagne des proches dans leurs projets solaires, c’est souvent à cette étape que l’on repère les incohérences. Un devis à 20 % pour une petite installation sur une maison de 20 ans, par exemple, est un signal qu’il faut creuser. À l’inverse, un 10 % sur 6 kWc doit faire lever un sourcil interrogateur.
Dernier mot : la TVA, un paramètre important mais pas unique
La TVA photovoltaïque est un sujet un peu ingrat : technique, fiscal, souvent source de confusion, et pourtant déterminant dans le budget global de votre installation. Comprendre les grandes lignes permet de reprendre la main face aux devis, d’éviter les erreurs grossières et de faire des choix éclairés.
Retenez surtout ceci :
- ≤ 3 kWc, maison de plus de 2 ans, pro qui fournit et pose : TVA à 10 % très souvent accessible ;
- au‑delà de 3 kWc, bâtiment neuf ou non résidentiel, matériel seul : TVA à 20 % ;
- la TVA à 5,5 % concerne essentiellement le solaire thermique, pas le photovoltaïque électrique ;
- pour les petites installations domestiques, vous ne facturez généralement pas de TVA sur l’électricité revendue (franchise en base).
Ensuite, la bonne question n’est pas « comment payer le moins de TVA possible ? », mais plutôt « quel dimensionnement optimise le mieux le rapport entre investissement, TVA comprise, et économies d’énergie sur 20 ans ? ».
Si vous hésitez entre plusieurs puissances d’installation et que le sujet TVA vous semble encore flou, n’hésitez pas à faire chiffrer deux ou trois scénarios avec taux de TVA, primes et productions estimées. C’est en posant tous ces paramètres côte à côte qu’un projet solaire devient vraiment lisible… et qu’il commence à ressembler à un investissement serein, plutôt qu’à un pari fiscal.

