Le vitrage photovoltaïque, c’est un peu le fantasme des architectes et des urbanistes : des façades entières qui produisent de l’électricité, des verrières actives, des baies vitrées qui deviennent mini-centrales solaires. Mais dès qu’on quitte le salon d’architecture pour passer au devis, la question tombe : est-ce que ça vaut vraiment le coût par rapport à des panneaux solaires classiques ?
Dans cet article, on va regarder ce que cache le prix du vitrage photovoltaïque, le comparer aux panneaux classiques, et surtout voir dans quels cas d’usage cette technologie a vraiment du sens… et dans quels cas elle est surtout un joli gadget très cher.
Qu’est-ce que le vitrage photovoltaïque, concrètement ?
Pour simplifier, le vitrage photovoltaïque (ou vitrage solaire) est un vitrage qui intègre des cellules photovoltaïques dans sa structure même. Il peut prendre plusieurs formes :
- du vitrage feuilleté avec des cellules solaires entre deux couches de verre,
- du verre semi-transparent qui laisse passer une partie de la lumière,
- du verre plus opaque, très productif, utilisé surtout pour les façades ou brise-soleil.
On parle souvent de BIPV (Building Integrated Photovoltaics), ou photovoltaïque intégré au bâti. L’idée n’est plus seulement de « rajouter » des panneaux sur un bâtiment existant, mais de rendre les éléments de construction eux-mêmes producteurs d’énergie : verrières, garde-corps, murs rideaux, puits de lumière, etc.
Sur le papier, c’est élégant. Dans les faits, c’est surtout une autre catégorie de produit qu’un « simple » panneau posé sur un toit. Et ça se voit clairement dans les prix.
Vitrage photovoltaïque : quels ordres de prix ?
Les coûts varient selon la transparence, la technologie (cellules cristallines, couches minces, organiques), la taille, le niveau de personnalisation et les performances. Mais on peut donner quelques fourchettes réalistes constatées sur le marché européen (prix HT, matériel uniquement) :
- Vitrage photovoltaïque semi-transparent (usage façade, verrière, garde-corps) :
environ 600 à 1 200 €/m². - Vitrage photovoltaïque plus opaque ou très peu transparent (façades, brise-soleil) :
environ 400 à 800 €/m². - Verrières et toitures vitrées photovoltaïques sur mesure (bâtiments tertiaires, halls, atriums) :
on dépasse souvent les 1 000 €/m², surtout dès qu’il y a un travail architectural spécifique.
En équivalent puissance, cela donne souvent des coûts de l’ordre de :
- 2 000 à 4 000 €/kWc (voire davantage) pour des vitrages photovoltaïques performants intégrés à l’enveloppe du bâtiment,
- contre 1 200 à 1 800 €/kWc pour une installation photovoltaïque classique en toiture résidentielle (panneaux + onduleur + pose).
Et encore, le vitrage solaire cumule deux fonctions : celle du vitrage (protection, isolation, lumière) et celle de production d’énergie. On ne peut donc pas le comparer brut de décoffrage à un panneau posé sur un toit déjà existant.
Combien coûtent des panneaux solaires classiques en comparaison ?
Côté panneaux « standards » cristallins, les repères sont aujourd’hui bien stabilisés pour un particulier en France :
- Prix moyen d’une installation de 3 kWc (classique, sur toiture, clé en main) :
environ 6 000 à 7 500 € TTC, pose et onduleur inclus. - Prix moyen d’une installation de 6 kWc :
environ 10 000 à 13 000 € TTC. - Sur des grandes toitures (tertiaire, agricole), on descend parfois vers 900 €/kWc pour des projets bien optimisés.
En coût au m², un panneau standard (module + structure + main-d’œuvre) revient souvent autour de :
- 200 à 350 €/m² en résidentiel,
- voire un peu moins en grands projets.
On est donc, très grossièrement, sur un facteur x2 à x4 en prix au m² pour du vitrage photovoltaïque par rapport à des panneaux classiques. Mais attention : le vitrage remplace un élément de construction, tandis que le panneau standard vient en plus du bâti.
Pourquoi le vitrage photovoltaïque est-il plus cher ?
Plusieurs raisons structurelles expliquent cet écart :
- Produits plus complexes :
Un vitrage photovoltaïque doit assurer la sécurité, l’isolation thermique et acoustique, la résistance mécanique, la durabilité… tout en produisant de l’électricité. Ce n’est plus simplement un module posé sur des rails alu. - Marché encore de niche :
Les volumes produits sont bien inférieurs à ceux des panneaux standards, donc moins d’économies d’échelle, plus de sur-mesure, plus de coûts de R&D à amortir. - Intégration architecturale :
Les vitrages PV sont souvent intégrés dans des projets d’architecture spécifiques (façades rideaux, atriums, mobilier urbain). On sort du standard, on entre dans le projet personnalisé, qui se paie. - Performance énergétique moindre par m² :
La transparence a un prix : plus un vitrage laisse passer la lumière, moins il produit par m². Résultat : pour une même puissance installée, il faut plus de surface, donc plus de verre, plus de structure, etc.
On comprend vite pourquoi, si le seul objectif est de produire des kWh au moindre coût, le vitrage photovoltaïque part avec un handicap sérieux.
Le vrai match : coût par kWh produit
Comparer seulement le prix au m² ou au kWc n’est qu’une partie de l’histoire. L’indicateur vraiment pertinent, c’est le coût du kWh sur la durée de vie de l’installation.
Sur ce terrain-là :
- Panneaux classiques sur toiture bien orientée :
coût du kWh solaire autour de 0,06 à 0,10 €/kWh sur 25 ans, selon les cas (irradiation, coût d’investissement, maintenances). - Vitrage photovoltaïque :
on se situe plutôt dans une fourchette 0,12 à 0,25 €/kWh, parfois plus sur des petits projets très spécifiques.
Pourquoi une telle différence ?
- Les vitrages sont souvent moins bien orientés (façades verticales, orientations est/ouest, ombrages urbains).
- La densité de puissance au m² est plus faible (surtout pour les versions semi-transparentes).
- Les coûts initiaux sont nettement plus élevés.
Dit autrement : si votre but est simplement de réduire votre facture d’électricité au meilleur prix, le vitrage photovoltaïque n’est pas le premier outil à sortir de la boîte.
Alors, pourquoi installer du vitrage photovoltaïque ?
Heureusement, si le vitrage solaire existe et trouve son public, c’est qu’il a des atouts que les panneaux classiques n’ont pas. Il devient pertinent dans plusieurs types de configurations.
Cas d’usage pertinent n°1 : quand l’enveloppe du bâtiment doit de toute façon être refaite
Imaginons un immeuble de bureaux dont la façade vitrée doit être remplacée pour des raisons d’isolation thermique, de sécurité ou de mise aux normes. Le maître d’ouvrage a déjà une ligne budgétaire conséquente pour :
- remplacer des centaines de m² de vitrage,
- améliorer la performance énergétique du bâtiment,
- réduire les charges d’exploitation.
Dans ce contexte, le surcoût du photovoltaïque intégré peut devenir acceptable, voire rentable, car :
- on mutualise les coûts de chantier (échafaudages, mise en sécurité, main-d’œuvre),
- le vitrage PV remplace un vitrage « passif » qui aurait coûté cher de toute façon,
- on bénéficie d’aides ou de certifications environnementales (BREEAM, HQE, etc.) plus facilement.
Sur des projets tertiaires ou institutionnels, cette logique est fréquente : la question n’est plus « combien ça coûte par kWc », mais « combien de fonctions le même élément de façade peut-il remplir ». Et là, le vitrage PV marque des points.
Cas d’usage pertinent n°2 : bâtiments sans toitures exploitables
Autre cas classique : un bâtiment en cœur de ville, toiture minuscule, encombrée de machines, de conduits, d’exutoires de fumée… Impossible de caser 20, 30 ou 50 kWc sur le toit. En revanche, vous avez :
- une grande façade bien orientée,
- un hall d’entrée très vitré,
- ou des brise-soleil à installer.
Dans ces cas-là, le vitrage photovoltaïque devient une manière de valoriser des surfaces jusque-là « passives ». La façade ne remplacera pas une centrale solaire de 500 kWc, mais elle peut quand même :
- couvrir une partie des besoins en électricité des parties communes,
- améliorer le bilan carbone du bâtiment,
- afficher une image forte autour de la transition énergétique.
Sur certains projets que j’ai pu voir en centre-ville, la façade solaire faisait littéralement la différence entre un bâtiment « juste conforme » et un bâtiment démonstrateur, utilisé comme vitrine par son propriétaire.
Cas d’usage pertinent n°3 : confort thermique et contrôle solaire
Le vitrage photovoltaïque peut également jouer un rôle intéressant dans la gestion du confort intérieur. En filtrant une partie du rayonnement solaire direct, il agit un peu comme un store intégré :
- moins de chaleur directe qui entre,
- moins de besoin de climatisation,
- toujours de la lumière naturelle (pour les versions semi-transparentes).
Pour un bâtiment de bureaux exposé plein sud avec de grandes baies vitrées, remplacer un vitrage standard par du vitrage photovoltaïque peut donc répondre à deux objectifs simultanément :
- production électrique locale,
- réduction des surchauffes et du recours à la climatisation.
Dans des régions chaudes, ce volet « contrôle solaire actif » devient presque aussi important que la production de kWh, surtout dans des bâtiments tertiaires très vitrés.
Cas d’usage pertinent n°4 : projets architecturaux et image de marque
Il faut aussi l’accepter : dans certains cas, le vitrage photovoltaïque est choisi pour son impact visuel et symbolique autant que pour sa performance économique pure.
Quelques exemples typiques :
- siège social d’une entreprise qui veut afficher sa stratégie bas carbone,
- bâtiment public exemplaire (mairie, médiathèque, lycée à énergie positive),
- projets de concours d’architecture où la façade solaire devient une signature visuelle.
Sur un projet de médiathèque que j’ai visité il y a quelques années, la verrière photovoltaïque de l’atrium était presque devenue une pièce maîtresse du parcours de visite. Les habitants passaient en dessous en levant la tête, les enfants demandaient comment « le toit fait de la lumière ». Un objet pédagogique, en plus d’être producteur d’énergie.
Dans ce type de contexte, le calcul intègre difficilement tous les bénéfices immatériels : image, pédagogie, innovation, attractivité du bâtiment.
Cas d’usage pertinent n°5 : garde-corps, auvents, verrières et éléments spécifiques
On parle souvent de façades entières, mais l’un des champs d’application les plus malins du vitrage PV, ce sont les éléments secondaires :
- garde-corps de balcons,
- auvents et marquises au-dessus des entrées,
- vérandas et pergolas vitrées,
- puits de lumière, verrières d’escalier, passerelles vitrées.
Dans ces cas-là, on doit de toute façon installer un élément en verre ou en polycarbonate. Le fait de choisir une version photovoltaïque permet :
- d’augmenter un peu le coût initial,
- mais de générer ensuite des kWh sur 20–30 ans,
- sans occuper d’autre surface du bâtiment.
Par exemple, une pergola en vitrage photovoltaïque peut à la fois :
- ombrager une terrasse ou un parking,
- fournir 1 à 3 kWc de puissance,
- servir de support visuel à une démarche écoresponsable (restaurant, hôtel, entreprise, etc.).
Aides, incitations et réglementation : un levier non négligeable
En France, les vitrages photovoltaïques intégrés au bâti peuvent parfois bénéficier :
- des mêmes dispositifs que le photovoltaïque classique (tarifs d’achat, autoconsommation avec vente du surplus),
- d’aides à la rénovation énergétique si la façade ou la toiture vitrée participe à l’amélioration globale du bâtiment,
- de valorisations dans les certifications environnementales et labels (qui peuvent eux-mêmes ouvrir d’autres portes : financement vert, valorisation patrimoniale, etc.).
Les règles évoluent régulièrement, en particulier pour les bâtiments tertiaires ou publics, avec des obligations de performance énergétique et de réduction des consommations. Le vitrage photovoltaïque trouve sa place dans ces démarches globales, même si, encore une fois, il ne sera pas l’option la plus économique en France pour produire de l’électricité brute.
Comment décider entre vitrage photovoltaïque et panneaux classiques ?
Pour résumer, si vous hésitez entre les deux, il est utile de vous poser quelques questions très concrètes :
- Votre toiture est-elle disponible, bien orientée et structurellement exploitable ? Si oui, dans une logique purement économique, commencez par là.
- Devez-vous de toute façon remplacer des vitrages ou rénover une façade ? Dans ce cas, comparez non pas « verre PV vs panneau classique », mais « verre PV vs verre classique + panneaux ailleurs ».
- Votre objectif principal est-il le retour sur investissement financier ou l’image/innovation/confort ? Les réponses ne mèneront pas au même choix.
- Disposez-vous de surfaces vitrées importantes et bien exposées ? Une façade nord semi-transparente sera surtout un démonstrateur, pas une centrale solaire rentable.
Dans la plupart des projets résidentiels individuels, le vitrage photovoltaïque reste aujourd’hui trop cher et trop peu productif pour rivaliser avec une installation photovoltaïque classique en toiture. En revanche, sur des bâtiments tertiaires, publics, ou dans des projets de rénovation lourde de façades, il peut devenir un outil intéressant dans un ensemble de solutions.
En toile de fond, on voit se dessiner une tendance lourde : l’enveloppe du bâtiment de demain ne sera plus seulement une peau isolante, mais une enveloppe active, productrice, régulatrice, intelligente. Le vitrage photovoltaïque en est déjà une des briques. Reste à choisir les bons cas d’usage pour qu’il soit à la fois beau sur la plaquette du projet… et pertinent dans le tableau Excel du maître d’ouvrage.

