Surplus photovoltaïque vers chauffe eau : câblage, pilotage et gains possibles en autoconsommation

Surplus photovoltaïque vers chauffe eau : câblage, pilotage et gains possibles en autoconsommation

Si vous produisez plus d’électricité photovoltaïque que vous n’en consommez en journée, deux options s’offrent à vous : la revendre quelques centimes… ou la transformer en eau chaude sanitaire pour votre foyer. Devinez laquelle a le meilleur rendement économique ?

Dans cet article, on va voir ensemble comment envoyer intelligemment son surplus photovoltaïque vers un chauffe-eau : câblage, solutions de pilotage, et surtout, gains réels en autoconsommation. Objectif : que votre ballon d’eau chaude devienne une véritable « batterie thermique » au service de vos panneaux.

Pourquoi le chauffe-eau est le meilleur ami du photovoltaïque

Sur le terrain, quand je visite des installations, je retrouve souvent les mêmes profils de consommation : la maison consomme peu en journée (tout le monde est au travail), la production solaire est au plus haut, et… le surplus part sur le réseau pour une poignée de centimes le kWh.

Le chauffe-eau, lui, coche toutes les cases :

  • il consomme beaucoup (1 500 à 3 000 W selon la résistance) ;
  • il peut être piloté dans le temps (on peut chauffer à midi plutôt qu’à 3 h du matin) ;
  • il stocke de l’énergie sous forme de chaleur pendant plusieurs heures ;
  • il n’a pas besoin d’une précision absolue : une eau à 52 °C ou 55 °C, au quotidien, c’est transparent pour l’utilisateur.

Autrement dit, c’est une charge « souple » qu’on peut parfaitement adapter à la production photovoltaïque, contrairement à un four ou à une plaque de cuisson.

Les grands principes : comment valoriser le surplus vers le ballon

L’idée est simple sur le papier :

  • vous mesurez en temps réel ce qui se passe au point de livraison (compteur) ;
  • dès qu’un surplus apparaît (production > consommation), vous le dirigez vers une résistance de chauffe-eau ;
  • vous limitez la puissance injectée dans le ballon à ce que les panneaux peuvent fournir, pour ne pas aller chercher de l’énergie sur le réseau.

En pratique, il existe deux grandes familles d’approches :

  • le pilotage « tout ou rien » : on enclenche ou non le chauffe-eau, généralement en décalant ses heures de fonctionnement pour qu’elles coïncident avec la production solaire ;
  • le pilotage dit « proportionnel » ou « à zéro injection » : on module finement la puissance envoyée à la résistance en fonction du surplus exact, parfois jusqu’à la dizaine de watts près.

Commençons par voir comment on câble tout ça, puis on entrera dans le détail des différents niveaux de pilotage.

Rappel de base : câblage classique d’un chauffe-eau avec contacteur heures creuses

Dans la plupart des installations françaises, le chauffe-eau est commandé par un contacteur jour/nuit (ou heures pleines / heures creuses), situé dans le tableau électrique. Son fonctionnement est simple :

  • la puissance (phase et neutre) arrive au contacteur pour alimenter la résistance du ballon ;
  • la commande du contacteur est assurée par un signal provenant du compteur (télé-information ou borne C1/C2 selon les modèles) qui lui dit quand passer en heures creuses ;
  • le contacteur possède souvent trois positions : auto / marche forcée / arrêt.

Sur ce schéma classique, le chauffe-eau fonctionne principalement la nuit, quand le kWh est moins cher. Problème : ce n’est pas du tout le moment où vos panneaux produisent…

A voir aussi  Devenir autonome en électricité : Planification et mise en œuvre

Pour tirer parti du photovoltaïque, on va donc jouer soit sur :

  • la commande du contacteur (remplacer ou compléter le signal heures creuses par un ordre « surplus ») ;
  • la manière dont la puissance est délivrée à la résistance (modulation).

Solution 1 : décaler simplement la chauffe en journée (pilotage simple)

C’est la solution la plus accessible, souvent la première mise en place car elle ne demande presque aucun matériel supplémentaire.

Le principe : au lieu de chauffer la nuit, vous programmez votre chauffe-eau pour qu’il fonctionne en journée, pendant les heures de production solaire. Cela peut se faire de plusieurs manières :

  • remplacer le contacteur heures creuses par un contacteur + horloge ;
  • utiliser un relais commandé par un gestionnaire d’énergie (type box domotique, gestionnaire photovoltaïque) ;
  • passer en chauffe directe dans certains créneaux horaires si votre abonnement le permet.

Concrètement :

  • la puissance du chauffe-eau reste la même (ex : 2 000 W) ;
  • vous définissez une plage, par exemple 11h–15h, où le ballon est autorisé à chauffer ;
  • si à ce moment-là vos panneaux produisent 2 500 W et que votre maison consomme 500 W, la totalité peut venir du photovoltaïque.

Avantages :

  • mise en œuvre simple, parfois avec un simple changement de contacteur ;
  • pas ou peu d’électronique supplémentaire ;
  • rapidement rentable si vous aviez déjà prévu un ballon électrique.

Limites :

  • pas de modulation fine : si votre ballon fait 2 kW et que vous avez seulement 1 kW de surplus, le reste sera pris sur le réseau ;
  • en hiver ou par temps couvert, la production peut être insuffisante pendant la plage horaire définie.

Je vois souvent cette stratégie dans les maisons de campagne équipées de petites installations (3 kWc environ) : on n’atteint pas forcément un taux d’autoconsommation maximal, mais le rapport complexité / gain reste très intéressant.

Solution 2 : pilotage proportionnel du chauffe-eau (zéro injection ciblé)

Pour aller plus loin, on peut installer ce qu’on appelle un « routeur de surplus » ou un gestionnaire d’énergie photovoltaïque capable de mesurer en temps réel le flux au niveau du compteur et d’ajuster dynamiquement la puissance vers le ballon.

Le fonctionnement typique :

  • un transformateur de courant (tore) est installé sur la phase principale au tableau électrique ;
  • un module électronique lit cette mesure plusieurs fois par seconde ;
  • dès qu’un surplus apparaît, il envoie une commande vers un variateur de puissance (généralement sur base de triac) qui alimente la résistance du chauffe-eau à une puissance ajustée quasi en continu.

Par exemple, si à un instant T :

  • vos panneaux produisent 3 000 W ;
  • votre maison consomme 1 200 W ;
  • le système détecte 1 800 W de surplus et règle le chauffe-eau pour consommer précisément 1 800 W.

Résultat :

  • l’injection sur le réseau est proche de 0 W ;
  • vous exploitez quasi intégralement votre surplus pour faire de l’eau chaude ;
  • vous ne « tirez » pas (ou très peu) sur le réseau pour ce poste.

Dans certains cas, on utilise des résistances spécifiques dites « pilotables », mais la majorité des chauffe-eau standards à résistance blindée ou stéatite peuvent être adaptés, sous réserve de respecter les puissances et câblages prescrits.

Avantages :

  • maximisation de l’autoconsommation ;
  • réduction quasi totale de l’injection non valorisée ;
  • pas besoin de surdimensionner énormément les panneaux juste pour le ballon.
A voir aussi  Assurer l'étanchéité des panneaux photovoltaïques : Techniques et normes

Inconvénients :

  • électronique plus complexe, souvent propriétaire ;
  • coût initial du routeur/gestionnaire (quelques centaines d’euros) ;
  • installation qui doit être réalisée proprement (et idéalement par un électricien qualifié) pour rester conforme aux normes.

Sur des installations que j’ai suivies en autoconsommation pure (sans contrat de vente de surplus), ce type de solution permet souvent de passer d’un taux d’autoconsommation de 30–35 % à 60–70 %, parfois davantage si le ballon est suffisamment dimensionné.

Câblage type d’un chauffe-eau avec routeur de surplus

Schématiquement, on retrouve les éléments suivants dans le tableau électrique :

  • un disjoncteur dédié pour le chauffe-eau (16 A ou 20 A selon la puissance) ;
  • le routeur ou variateur de puissance branché en série avec la phase alimentant la résistance ;
  • un tore de mesure sur l’arrivée générale ;
  • éventuellement un contacteur de sécurité ou un relais de priorité.

En cas de défaillance du système, le ballon peut être basculé en mode « marche forcée » via un contacteur classique, pour garantir la présence d’eau chaude même sans routeur. C’est un point que j’insiste souvent auprès des installateurs : la domotique ou le pilotage avancé ne doivent jamais empêcher un fonctionnement simple de secours.

Que peut-on espérer comme gains en autoconsommation ?

Passons aux chiffres, parce que c’est souvent là que tout se joue quand on hésite à investir dans ce type de pilotage.

Prenons un cas réel, très représentatif :

  • installation photovoltaïque de 3 kWc orientée plein sud ;
  • production annuelle d’environ 3 300 kWh dans une région bien ensoleillée ;
  • chauffe-eau de 200 L avec résistance 2 kW, consommation annuelle typique : 1 800 kWh ;
  • habitation occupée en soirée et week-end principalement.

Sans pilotage spécifique :

  • taux d’autoconsommation souvent autour de 25–30 % ;
  • soit moins de 1 000 kWh réellement consommés sur place.

Avec simple décalage de chauffe en journée :

  • une bonne partie des 1 800 kWh du ballon se fait pendant la production solaire ;
  • on atteint facilement 45–55 % d’autoconsommation, selon les habitudes et la météo ;
  • soit 1 500–1 800 kWh consommés sur place (dont une grosse part liée au ballon).

Avec routeur de surplus proportionnel :

  • la quasi-totalité des kWh solaires non utilisés par la maison est dérivée vers le ballon ;
  • on grimpe souvent à 60–70 % d’autoconsommation, parfois plus si d’autres charges sont aussi pilotées ;
  • en pratique, on approche les 2 000–2 300 kWh consommés sur place sur les 3 300 kWh produits.

D’un point de vue économique, si le kWh réseau vous coûte par exemple 0,20 € TTC, chaque kWh solaire utilisé pour chauffer l’eau plutôt que de l’acheter au fournisseur représente cette économie brute. Sur les installations que j’ai analysées, les temps de retour sur un routeur de surplus pour ballon se situent souvent entre 3 et 7 ans, selon :

  • le coût du matériel ;
  • la région (et donc la production) ;
  • l’existence ou non d’un contrat de vente de surplus rémunérateur.

Gestion de la température et confort : ne pas oublier l’usage réel

On pourrait être tenté de pousser le ballon à des températures très élevées pour « stocker un maximum de solaire ». Mauvaise idée si c’est mal maîtrisé.

A voir aussi  Fixation panneau solaire toit plat : solutions techniques, lestage, étanchéité et réglementation

Quelques points de vigilance :

  • le risque légionelles impose d’atteindre au moins 55–60 °C régulièrement (souvent une fois par jour ou par semaine selon les configurations) ;
  • des températures trop élevées augmentent les pertes thermiques du ballon (vous stockez… pour mieux perdre) ;
  • certains ballons ou mitigeurs ne sont pas prévus pour des températures supérieures à 65 °C.

Une stratégie que j’apprécie particulièrement :

  • cibler une température « de croisière » autour de 52–55 °C via le solaire en journée ;
  • prévoir un relais de sécurité (par exemple une courte chauffe en heures creuses une fois par semaine) pour garantir une montée à 60 °C mini ;
  • adapter l’horaire de chauffe à la composition du foyer (famille nombreuse le soir, douches le matin, etc.).

En pratique, la plupart des gestionnaires d’énergie récents permettent de régler facilement ces paramètres, voire d’ajouter des « scénarios » (mode absence, mode été, etc.).

Aspects normatifs et sécurité électrique

Dès qu’on parle de modifier un câblage existant, quelques rappels s’imposent :

  • toute intervention sur le tableau électrique doit respecter la NF C 15-100 ;
  • un chauffe-eau est un circuit spécialisé, avec disjoncteur dédié et section de câble adaptée (souvent 2,5 mm² pour 2 kW, à vérifier) ;
  • les appareillages (routeur, variateur, contacteur) doivent être certifiés et prévus pour la puissance en jeu ;
  • certaines solutions « DIY » très populaires sur internet sont techniquement ingénieuses… mais ne répondent pas toujours aux exigences de sécurité et d’assurance.

Dans mes visites, j’ai déjà vu des résistances de ballon pilotées par de petits modules variateurs « pour lampes » de 500 W montés en fond de coffret. Un bon moyen de gagner quelques kWh… et des cheveux blancs quand on pense à l’échauffement du dispositif. Sur ce type de montage, la rigueur n’est pas optionnelle.

Si vous n’êtes pas à l’aise avec le câblage, faites-vous accompagner par un électricien agréé ou par l’installateur photovoltaïque qui pourra intégrer ce pilotage directement dans son offre.

Et après le chauffe-eau ? Étendre la logique à d’autres usages

Une fois que le ballon est optimisé, il reste parfois encore du surplus à certaines périodes de l’année (printemps, journées très ensoleillées avec peu de présence au domicile). La même logique de pilotage peut s’appliquer à :

  • un chauffage d’appoint (radiateur dans une pièce peu utilisée) ;
  • un chauffe-eau de piscine ou une pompe de piscine ;
  • un pré-chauffage d’un plancher chauffant basse température (avec toutes les précautions nécessaires) ;
  • la recharge de véhicule électrique en mode puissance variable.

Mais si je devais choisir un seul poste pour commencer, ce serait toujours le chauffe-eau. Il offre le meilleur compromis entre simplicité, capacité de stockage, acceptabilité par les occupants et gains économiques tangibles.

En somme, orienter son surplus photovoltaïque vers un ballon, c’est transformer une production parfois abstraite en un geste très concret : l’eau chaude de la douche du matin est, littéralement, chauffée par le soleil tombé sur votre toit la veille. Et ça, au-delà des kWh et des euros, c’est une satisfaction que je vois rarement se démentir chez les particuliers que j’accompagne.